Substance économique en Suisse : comment éviter les “red flags” fiscaux ?
La Suisse a longtemps été une juridiction privilégiée pour les entreprises internationales, grâce à son environnement politique et économique stable, sa flexibilité réglementaire et ses taux d’imposition attractifs. Cependant, avec l’intensification des efforts mondiaux en matière de transparence fiscale, notamment sous l’impulsion de l’OCDE (projet BEPS – Base Erosion and Profit Shifting), la notion de substance économique est devenue un pilier fondamental pour les sociétés établies en Suisse. Pour les investisseurs avertis et les fiscalistes, comprendre et maîtriser les exigences de substance est crucial pour éviter les “red flags” fiscaux et assurer la pérennité de leurs structures.
Qu’est-ce que la substance économique en Suisse ?
La substance économique fait référence à la nécessité pour une entreprise d’avoir une présence et une activité réelles et significatives dans le pays où elle est fiscalement domiciliée. Il ne suffit plus d’avoir une simple adresse postale ou une inscription formelle au Registre du Commerce. Les autorités fiscales, tant suisses qu’étrangères (dans le cadre des échanges d’informations et des conventions de double imposition), exigent de plus en plus la preuve que les bénéfices déclarés en Suisse correspondent à des activités économiques effectives menées sur place.
L’objectif est de lutter contre les structures artificielles (“sociétés boîtes aux lettres”) dont le seul but est de transférer des bénéfices vers des juridictions à faible imposition sans y avoir d’activité réelle.
Les critères clés de la substance économique en Suisse
Pour éviter d’attirer l’attention des autorités fiscales et minimiser les risques de requalification, les entreprises doivent démontrer une substance économique suffisante, basée sur une combinaison de facteurs :
- Personnel qualifié et gestion locale
- Présence de personnel décisionnaire : Il est primordial que les membres de la direction ou les personnes clés responsables de la prise de décisions stratégiques pour l’entreprise résident en Suisse.
- Employés qualifiés : La société doit employer du personnel possédant les qualifications et l’expertise nécessaires pour gérer les activités principales de l’entreprise. Le nombre et le niveau de qualification des employés doivent être proportionnels à la taille et à la nature de l’activité.
- Contrats de travail suisses : Les employés doivent être sous contrats de travail suisses, assujettis aux assurances sociales suisses.
- Locaux et infrastructures
- Bureaux physiques : Bien qu’un bureau dédié à temps plein ne soit pas toujours obligatoire pour toutes les activités (notamment les holdings pures ou les sociétés de gestion de patrimoine pour lesquelles une domiciliation d’entreprise en Suisse chez une fiduciaire est acceptable), il est fortement recommandé d’avoir accès à des locaux adaptés à l’activité de l’entreprise (par exemple, des bureaux équipés, des salles de réunion). Une simple boîte postale est insuffisante.
- Équipements adaptés : L’entreprise doit disposer des équipements techniques et informatiques nécessaires à l’exercice de son activité.
- Activité opérationnelle et prise de décision effective
- Activités commerciales réelles : L’entreprise doit démontrer qu’elle mène des activités commerciales ou opérationnelles substantielles en Suisse, et pas seulement des fonctions administratives passives.
- Réunions de direction régulières : Les réunions du conseil d’administration ou de direction doivent se tenir physiquement en Suisse, avec la participation des dirigeants clés. Les procès-verbaux de ces réunions doivent en attester.
- Comptes bancaires suisses : La société doit opérer des comptes bancaires en Suisse, par lesquels transitent ses flux financiers liés à son activité.
- Fournisseurs et clients suisses : Des relations commerciales avérées avec des fournisseurs et/ou des clients en Suisse peuvent renforcer la substance.
- Compétences spécifiques et services inter-sociétés (pour les groupes)
- Adéquation des fonctions et des risques : Dans un groupe multinational, les fonctions exercées par l’entité suisse et les risques qu’elle assume doivent être en adéquation avec les bénéfices qu’elle déclare. Les principes de l’OCDE en matière de prix de transfert (Actions 8-10 du projet BEPS) sont ici primordiaux.
- Services réels rendus : Si l’entité suisse facture des services à d’autres entités du groupe, elle doit prouver qu’elle a réellement la capacité et qu’elle fournit effectivement ces services.
Les “red flags” fiscaux à éviter
Plusieurs situations peuvent déclencher un examen approfondi de la substance économique par les autorités fiscales :
- Faible nombre d’employés par rapport au chiffre d’affaires/bénéfice : Une entreprise générant des revenus importants avec très peu de personnel en Suisse peut être suspecte.
- Absence de locaux propres ou de présence physique concrète : Une domiciliation via une simple adresse sans possibilité de rencontrer les dirigeants ou d’y mener des activités.
- Dirigeants résidant hors de Suisse et prises de décisions à l’étranger : Cela peut suggérer que la direction effective n’est pas en Suisse.
- Opérations financières importantes sans justification économique claire en Suisse.
- Bénéfices élevés avec des fonctions limitées et peu de risques assumés en Suisse.
- Absence de comptes bancaires en Suisse ou utilisation marginale de ces comptes.
- Manque de documentation probante : Absence de contrats, de procès-verbaux de réunion, de preuves d’activités opérationnelles.
Le cadre légal et les implications du BEPS
La notion de substance économique a été fortement renforcée par les initiatives de l’OCDE, notamment le projet BEPS. La Suisse, en tant que membre de l’OCDE et du G20, s’est engagée à respecter ces standards internationaux. La Réforme Fiscale et Financement de l’AVS (RFFA), entrée en vigueur en Suisse en 2020, a aboli certains régimes fiscaux spéciaux cantonaux et a introduit des mesures conformes aux normes BEPS, comme la déduction pour la recherche et le développement ou la déduction des bénéfices provenant de brevets (Patent Box). Ces réformes ont consolidé l’importance d’une substance économique tangible pour bénéficier d’un traitement fiscal favorable.
Le respect de la substance économique permet non seulement d’éviter les requalifications fiscales en Suisse, mais aussi de se prémunir contre les contestations des autorités fiscales étrangères qui pourraient chercher à imposer les bénéfices dans leur propre juridiction si elles estiment que la substance réelle se trouve chez elles.
Pour les investisseurs avertis et les fiscalistes, la substance économique en Suisse est un enjeu majeur. Elle n’est plus une simple formalité mais une condition essentielle pour la légitimité fiscale et la crédibilité d’une entreprise. Une approche proactive et rigoureuse est nécessaire pour s’assurer que toutes les exigences sont remplies.
RISTER, fiduciaire à Genève, est l’expert local et votre partenaire idéal pour une implantation en Suisse réussie. Nous accompagnons les entreprises dans la mise en place d’une substance économique solide, en offrant des services de domiciliation fiables, des conseils stratégiques en matière de gouvernance, de recrutement local, de gestion opérationnelle et de conformité fiscale. Notre expertise vous permet d’opérer en toute sécurité et d’éviter les “red flags” qui pourraient compromettre votre optimisation fiscale et votre réputation.